L¨¦onide ANDR??EV : L¡¯angoisse ¨¤ l'oeuvre. Dix-huit ¨¦tudes

D¨¦j¨¤ c¨¦l¨¨bre avant d'avoir m¨ºme publi¨¦ le premier recueil de ses r¨¦cits, L¨¦onide Andr¨¦?ev (1871-1919) a souvent cr¨¦¨¦ le scandale, dans le monde de la litt¨¦rature russe du d¨¦but du XXe si¨¨cle. D'abord proche de Gorki, d¨¦test¨¦, et fier de l'¨ºtre, par bon nombre de modernistes (Zina?da Hippius, Dmitri M¨¦r¨¦jkovski), plus tard violemment hostile ¨¤ L¨¦nine et ¨¤ la r¨¦volution d'octobre 1917, il a ¨¦t¨¦ rejet¨¦ aussi bien dans les milieux de l'¨¦migration russe qu'en Union Sovi¨¦tique. Extr¨ºmement sensible aux enjeux du champ litt¨¦raire, et tout simplement ¨¤ l'air du temps, Andr¨¦?ev, comme beaucoup d'¨¦crivains russes au tournant du XXe si¨¨cle, a donn¨¦ ¨¤ ses ?uvres une orientation contestataire. Mais plut?t que de prolonger la longue tradition critique de la prose russe, il a choisi de d¨¦stabiliser le "petit-bourgeois" (autrement dit son propre lecteur), en pr¨¦sentant une version paradoxale, "malsaine",  des grands mythes : ?l¨¦azar (1906), Judas (1907), mais aussi des figures embl¨¦matiques de l'intelligentsia : l'¨¦tudiant "nietzsch¨¦en" ("Le r¨¦cit de Sergue? P¨¦trovitch", 1900), le tr¨¨s jeune homme, en principe encore non corrompu par la soci¨¦t¨¦ (Le gouffre, 1902 ; Dans le brouillard, 1902), le terroriste r¨¦volutionnaire (Les t¨¦n¨¨bres, 1907 ; Le r¨¦cit des sept pendus, 1908). Par-del¨¤ la particularit¨¦ de chaque sujet et la diversit¨¦ des th¨¦matiques abord¨¦es d'un texte ¨¤ l'autre, l'?uvre d'Andr¨¦?ev peut se lire comme variation d'une tonalit¨¦ affective  unique (l'angoisse), pr¨¦sente presque d¨¨s l'origine. Sans rapport autre que fortuit ou conventionnel avec la probl¨¦matique ¨¦mancipatrice affich¨¦e avec tant d'efforts, les ¨¦crits d'Andr¨¦?ev laissent libre cours ¨¤ ce que, quelque quarante ans plus tard, Heidegger a appel¨¦ une "exp¨¦rience fondamentale du N¨¦ant".